Comment, dans une monarchie planétaire, la réalité de l’exercice d’une justice à distance –à distance du roi depuis les confins de l’Empire ou à distance des justiciables depuis Madrid- a-t-elle été affrontée, voire exploitée ? Comment cette expérience commune aux agents du roi de part et d’autre de l’Atlantique s’est-elle traduite dans les écrits, les actions, les pratiques et les imaginaires politico-juridiques ? L’étude de la trajectoire du juriste Juan de Solórzano Pereira apporte des éléments de réponse. Sa trajectoire américaine puis son statut de conseiller des Indes à Madrid lui ont donné des outils pour formaliser son expérience du roi lointain et remodeler l’imaginaire du roi de justice hérité d’une pensée médiévale péninsulaire. Ses écrits (arbitrio, informes, traités, miroir de prince) sont l’expression réflexive de son vécu de magistrat et le produit de sa pratique. Cette histoire sociale et culturelle du politique intègre Solórzano à une cohorte de letrados ubiquistes transitant des audiences à la polysynodie madrilène et forgent un ordre juridique visant à stabiliser les rapports des sujets à leur roi dans les différents territoires de la monarchie au mitan du XVIIe siècle.