Théoriser, historiciser, en imposer : les imaginaires politiques des malcontents au temps de la minorité de Charles II d’Espagne
Abstract
En 1676-1677, le mouvement de contestation que le bâtard royal Juan José de Austria orchestre au nom des Grands se traduit par une production de libelles qui dénoncent une souveraineté autoritaire. Au sein de ces textes diffamatoires, on remarque un corpus d’écrits en rupture de ton, nourris de références à la Bible, à l’histoire et à la pensée politique, justifiant la résistance à la tyrannie. Or, ces textes sont polysémiques, sans cohérence d’ensemble, ne cherchent pas prioritairement à convaincre les adversaires et jouent un rôle secondaire dans la mobilisation des malcontents. Plutôt que de postuler que la tactique pousse à la vacuité théorique ou que d’imputer ces faiblesses à une défaillance des libellistes, l’article étudie la place de ces discours dans cette campagne. En interrogeant les phénomènes de légitimation et de mobilisation et en tenant ensemble régimes de croyance et efficacité politique, écrits et actions non scripturaires, nous nous demandons pourquoi historiciser et théoriser pour, au final, en imposer. L’histoire culturelle des mouvements de contestation amène ainsi à s’interroger sur l’inventivité et l’imagination politique portée par les troubles et sur la mise en forme des savoirs politiques par la matrice polémique.