La citoyenneté à l'ère numérique - Université Côte d'Azur
Journal Articles Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger Year : 2018

Citizenship in the digital age

La citoyenneté à l'ère numérique

Abstract

Existe-t-il un « citoyen 2.0 », dans l'ère du numérique participatif et interactif que nous connaissons depuis les années 2000 ? Comment imaginer, demain, le citoyen 3.0 à l'heure des objets connectés et du développement de l'intelligence artificielle ? Dans quelle mesure le contenu et les conditions d'exercice des droits, libertés et devoirs attachés à la citoyenneté sont-ils modifiés par le développement des technologies numériques ? La notion même de citoyenneté, sa définition, sa conception classique, dessinées en d'autres temps et pour un autre monde, en sont-elles influencées ? Classiquement, le citoyen se définit par sa participation à la gestion des affaires publiques. Dans l'Antiquité grecque, le citoyen n'est pas celui qui habite la Cité, mais celui qui y est admis à participer à l'exercice des pouvoirs, en exerçant une magistrature, en participant au pouvoir délibératif ou à la fonction de juger1. Le citoyen jouit de droits civiques et politiques consistant dans « la participation active et constante au pouvoir collectif » afin d'exercer « plusieurs parties de la souveraineté tout entière »2. Les citoyens sont soumis à une même autorité politique dont ils contribuent à légitimer et à exercer le pouvoir normatif. L'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 prévoit ainsi que « la loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont le droit de concourir personnellement ou par leurs représentants à sa formation ». Certes la philosophie individualiste a inspiré les rédacteurs de ce texte fondamental, mais c'est collectivement, en tant que membre d'une communauté, que le citoyen, « égal à tous les autres par convention et de droit »3, peut « réclamer des droits politiques, c'est-à-dire prendre une part active à la formation de la loi sociale »4. Tels sont les fondements classiques de la citoyenneté dans « l'Ancien Monde ». Depuis l'avènement des sociétés politiques modernes, la citoyenneté se rattache à l'État, cadre d'organisation du pouvoir et d'expression de la souveraineté. Elle est souvent soumise à des conditions d'âge, de nationalité, et de non-exclusion par l'effet d'une décision de justice. Elle a pour attributs des droits civiques et politiques (droit d'élire ses gouvernants, d'éligibilité, de contribuer à l'élaboration de la loi, de pétition, de recevoir une décoration, d'être recruté en tant que fonctionnaire…), auxquels s'ajoute, tout au moins dans les démocraties européennes, le droit à certaines prestations de la part de l'État. Le citoyen bénéficie en outre, naturellement, des droits civils et des libertés fondamentales attachés à la personne humaine. Le statut juridique de citoyen impose également des devoirs, tels le respect de la loi, le paiement de l'impôt, le concours à la défense, le respect de la langue ou l'exercice du droit de suffrage. L'exercice de ces droits et devoirs est évidemment bouleversé par l'irruption des technologies numériques. Rattachée à l'État, la notion de citoyenneté pourrait s'élargir si l'on considère la reconnaissance juridique d'une citoyenneté européenne par le traité de Maastricht en 1992, au bénéfice des ressortissants des États membres de l'Union européenne5. Si les ressortissants de l'Union cumulent ainsi deux citoyennetés, nationale et européenne, celles-ci sont toutes deux reliées à la nationalité d'un des États membres de l'Union, en application de l'article 20 du TFUE. Le droit international garantit également les droits civiques des personnes en lien avec leur État d'appartenance, proclamant le droit de toute personne « de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays, soit directement, soit par l'intermédiaire de représentants librement élus, et d'accéder aux fonctions publiques »6. Si le rattachement à l'État est ancré sur le plan juridique, certains théoriciens de la globalisation imaginent les voies et moyens de l'avènement d'une « citoyenneté mondiale », réanimant ainsi de vieux rêves universalistes. La révolution numérique encourage ces réflexions. Dans un monde globalisé où les échanges transnationaux s'appuient sur des modes de communication généralisés, gratuits, instantanés et dématérialisés, se développe la réflexion sur la formation d'une opinion publique mondiale, sur le développement d'un « constitutionnalisme mondial » et de nouvelles formes de gouvernance transnationales, qui appellent de nouvelles formes de citoyenneté. Le fonctionnement de nos démocraties doit intégrer la perspective de citoyens ultraconnectés à un monde où s'effacent les frontières physiques des États. Qu'il s'agisse de revivifier la démocratie représentative, d'évoluer vers une démocratie plus participative, d'explorer les voies de la démocratie « délibérative »7, « continue »8 ou « réflexive »9,
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hal-02491660 , version 1 (26-02-2020)

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  • HAL Id : hal-02491660 , version 1

Cite

Pauline Türk. La citoyenneté à l'ère numérique. Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger, 2018. ⟨hal-02491660⟩
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