Le vocabulaire religieux dans trois siècles de littérature française
Abstract
Les linguistes et les lexicologues qui s'enhardissent jusqu'à parler de religion sont-ils des sacrilèges ? Et s'ils exercent leur audace à Jérusalem même, ne faut-il pas les bouter hors du temple ? Et si, plus gravement encore, ils s'arment de machines et sacrifient au veau d'or des temps modernes qu'est l'ordinateur, ne méritent-ils pas qu'on les lapide ? Averti du sort réservé ici même à mon illustre patronyme, Saint Etienne, premier martyr, qui, lui, était un juste, c'est à demi rassuré que je me présente devant vous.
Mais je me dis que cette assemblée n'est pas le Sanhédrin et qu'elle compte un certain nombre de « compteux de mots » aussi impies que moi-même. Je me dis aussi que la religion est pour une grande part une affaire de mots et que les guerres de religion ont souvent été une simple querelle de mots. Puisque la divinité échappe à la perception directe, on ne peut l'approcher que par le truchement des mots. La bible est un livre, la prière une parole, et la foi implique la plénitude des mots et du premier de tous les mots, le Verbe par quoi Dieu se désigne lui-même. Et l'on songe ici au célèbre jeu de mots de Hugo :"Car le mot, c'est le verbe, et le Verbe c'est Dieu."
Je me dis enfin que les écrivains – et Hugo en est un bel exemple – ne sont peut-être pas les meilleurs témoins de Jéhovah et qu'on les voit plus souvent soucieux de diviniser le langage que de donner un langage à la divinité. Mais s'ils sont parfois de piètres témoins de Dieu, ils peuvent être le reflet et l'écho de leur temps, si bien que l'étude du vocabulaire religieux dans la littérature donne un accès point trop indirect à l'histoire du sentiment religieux.
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