memoires - Archive ouverte en Histoire etPhilosophie des Sciences et des Techniques Accéder directement au contenu

 







DUMAS & TEL
sont deux plateformes d'archivage en ligne déclinées à partir du portail HAL du CCSD (Centre pour la Communication Scientifique Directe - UMS3668).

 

Différent de l'auto-archivage réalisé par les auteurs, un dépôt sur ces plateformes fait l'objet d'une validation par une commission en relation avec l'établissement de soutenance et est pris en charge par une instance mandatée (Service Commun de la Documentation ; Direction de l'Appui à la Recherche ; Bibliothèque ; ...). 

Si un mémoire déposé dans DUMAS, une thèse ou une HDR (Habilitation à Diriger des Recherches) déposée dans TEL n'apparaît pas dans cette archive, n'hésitez pas à nous le signaler, nous apposerons le "tampon HIPHISCITECH" pour que le document intègre cette collection : contact@hiphiscitech.org

 
DUMAS
Plateforme de "Dépôt Universitaire de Mémoires Après Soutenance"
-> Lien vers DUMAS

Derniers mémoires recensés

L’objet de ce travail de recherches est de s’interroger sur l’influence de la religion protestante sur le développement des idées entre le XVIe et le XVIIIe siècle en Europe du Nord en étudiant notamment les relations entre le mouvement des Lumières et le christianisme. Dans un premier temps, ce travail s’intéressera à l’histoire du protestantisme, et essayera de montrer l’existence d’un lien entre la manière de penser des protestants et le rationalisme. Le catholicisme et la position de l’Église catholique vis-à-vis de l’effervescence intellectuelle et du progrès scientifique aura également une grande place dans cette étude. Bien que le progrès scientifique et culturel devînt de plus en plus gênant pour l’Église, il sera rappelé que certains catholiques jouèrent bel et bien un rôle dans le développement des idées de l’époque. Enfin, l’objectif sera de comprendre dans quelles mesures l’héritage des conflits religieux et les théories du XVIIIe siècle sur la religion et sur la tolérance religieuse menèrent à la déchristianisation puis à la laïcisation des pays européens.

Continuer la lecture Partager

Le mémoire considère un groupe de travail oeuvrant collectivement à la fabrication d'une pirogue : au-delà de l'activité technique et de la chaîne opératoire, il présente l'organisation du groupe (par encastrement du psychologique dans le social et le physique) ainsi qu'une vision d'ensemble des modes de production scientifiques. Le terrain a été réalisé en Guyane française, dans l'ethnie Djuka.

Continuer la lecture Partager

Après avoir été effrayé à l’idée de voyager par plaisir en raison de la connotation guerrière de cette dernière mais également d’une peur des reliefs naturels, une nouvelle perception renverse à la fin du XVIe siècle cette pensée. La conception utilitaire du voyage prend l'ascendant au cours du siècle suivant, avec la possibilité d'apprendre et de se forger une culture personnelle jugée essentielle aux nobles de cette époque. Cette conception évolue à nouveau grâce à l'influence des Lumières et de nombreuses découvertes scientifiques ou philosophiques du XVIIIe siècle. La pratique voyageuse est maintenant comprise comme un moyen de connaître la terre, de partager les savoirs pour une plus grande égalité. Dans ce contexte, les scientifiques sont devenues des acteurs centraux, notamment en se rendant directement sur les lieux à expertiser. Ainsi, en plus d'une large publication d'imprimés de relation de voyage fait par des nobles en mission diplomatique ou dans la réalisation de leurs Grands Tours, se développent en parallèle des mémoires scientifiques tirés de leurs voyages. Dans la même période, un nouvel acteur dans le chaînon de l'imprimerie vient bouleverser l'ordre établi au siècle précédent, les périodiques. C'est avec ce nouveau support que les savants-voyageurs ont diffusé non seulement des extraits de leurs mémoires mais également des lettres, des synthèses et des questionnements portants sur les avancées scientifiques. Dans ce microcosme où vivent savants et acteurs de l'impression, de nombreux d’échanges et interactions s’étiolent, tels que des demandes d'instructions spécifiques ou d'aide particulière pour récupérer divers échantillons provenant d'une région lointaine. Cet ensemble se représente également à travers le carnet, un outil essentiel à la sauvegarde des pensées du voyageur qui le suit en toutes circonstances au cours de ses trajets. C'est avec cette source que ce mémoire se propose de retracer la méthodologie d'un savant-voyageur au tournant du XVIIIe siècle en la personne du chevalier Déodat de Dolomieu. Au travers de ses carnets se dévoile les traces de sa pensée savante et des évolutions de cette dernière au cours de ses pérégrinations, permettant la reconstruction d'une méthodologie propre à ce dernier. De même, elle permet la sauvegarde des humeurs de son propriétaire au cours de ses trajets mettant en lumière sa perception de la pratique voyageuse. Enfin, ce même objet se révèle être l'outil le plus essentiel à la propre compréhension de sa conception aux yeux de son propriétaire, ainsi que de pouvoir distinguer si cela est réellement nécessaire les propriétés entre une relation de voyages pour son plaisir et celui d'une relation savante faite pour autrui.

Continuer la lecture Partager

Notre projet de mémoire, ci-dessous développé, est le suivant : comment étudier la notion d'émergence dans le cadre de la métaphysique anglo-saxonne contemporaine ? Pour répondre à cette question, notre réflexion partira du système ontologique particulier, à savoir le "carré ontologique", d'inspiration aristotélicienne et repris par un auteur contemporain, E.J. Lowe. Dans ce système, les catégories ontologique d'"objet", de "phénomène", de "propriété" et de "condition" sont analysées comme étant fondamentales, irréductibles et suffisantes pour décrire tout le contenu de la réalité. Nous nous sommes limités cette année à la présentation de ce système, espérant par la suite pouvoir le développer dans le sens d'un physicalisme non réductif. Notre thèse finale sera alors la suivante : il est possible que de nouvelles conditions émergent.

Continuer la lecture Partager

Nous proposons à travers ce travail de regarder la pensée philosophique comme étant essentiellement liée au phénomène d'ἀνάμνησις, c'est-à-dire au ressouvenir ou à l'anamnèse. Nous cherchons à repenser le propre du philosopher. Dans cette optique, philosopher signifie "se ressouvenir". Pourtant, l'anamnèse n'a pas affaire à la mémoire et aux souvenirs. Elle est expérience, à travers laquelle adviennent une vérité et un savoir. Notre point de départ se trouve dans une évidence de la pensée philosophique : la pensée a une histoire et s'enracine dans une tradition. Tout ce qu'on met devant la pensée, tout ce que la pensée prend comme tâche a un lien avec ce qui a été pensé auparavant ou fait référence à ce qui a été, qu'on l'admette ou non. Nous identifions, cachée sous la forme de cette évidence, une tendance de la pensée philosophique qui n'a pas été mise en question ou explicitée. Ainsi, philosopher c'est dans un certain sens se retourner vers le passé afin de le reprendre sous un jour nouveau. Ce point de départ trouve sa confirmation philosophique à travers une analyse "historique" : l'anamnèse chez Platon et Gadamer. C'est à travers cette façon de mettre à l'œuvre ce que l'évidence nous a dévoilé qu'on découvre que l'anamnèse décrit la recherche et la découverte de type philosophique. Pour Platon, l'άνάμνησις représente moins une actualisation d'un savoir tout fait, inné et latent, qu'une manière de reprendre quelque chose de "su" sous un jour nouveau. C'est donc ce mouvement "rétrospectif" qui rend possible le savoir et la vérité pour la pensée philosophique. Selon Gadamer, l'άνάμνησις platonicienne s'apparente à une re-connaissance. Ces deux analyses dévoilent une certaine "structure" que possède l'anamnèse, un certain mode d'être : elle se définit par le "re-". Il s'agit d'un re-vivre, re-connaître, re-conquérir, re-voir "à distance" la réalité. Ceci renvoie à l'idée de "voir" les choses "dans une autre lumière", ou faire une nouvelle expérience des choses qui apporterait un surcroit de connaissance. Le "re-" de l'anamnèse désigne le fait de re-faire une "expérience". L'anamnèse représente une expérience du philosopher. Philosopher et parvenir à un savoir signifie, dans ce sens, faire l'expérience de l'expérience.

Continuer la lecture Partager

Le débat sur la nature de la relation entre écologie et écologisme repose principalement sur des présupposés épistémologiques quant au statut de l'écologie et quant à la façon dont elle doit prendre en compte les activités humaines. L'écologie peut être considérée comme une partie de la biologie, comme une science naturelle interdisciplinaire, ou comme une science interdisciplinaire qui fait le pont entre sciences de la nature et sciences de l'homme. La prise en compte de la spécificité culturelle de l'homme dans son rapport aux écosystèmes et à la biosphère dépend donc du statut que l'on donne à l'écologie.

Continuer la lecture Partager

Cette étude tente de répondre à la question "qu'est-ce que le jazz ?" en partant des spécificités musicologiques propres à cette musique pour rejoindre la pensée sociale et culturelle du jazz. Plus qu'un simple travail de définition, il s'agit d'analyser le jazz pour en extraire ses valeurs, d'interpréter les phénomènes musicaux jazzistiques en les plaçant toujours déjà dans un contexte historique et social déterminé. Penser le jazz, c'est établir son unité esthétique. Pourtant, on n'épuise pas le phénomène jazzistique à parler de swing et de sonorité : penser le jazz c'est aussi comprendre les origines musicales d'une telle musique et donc utiliser une méthode généalogique permettant de comprendre pourquoi, un jour, des hommes ont joué de la musique de telle manière. Le discours musicologique s'ouvre à la philosophie sociale et aux sciences historiques. Penser le jazz, c'est alors comprendre qu'il est une musique populaire, issu de la rencontre brutale des musique occidentale et africaine dans le contexte de la ségrégation raciale. Si certains discours sur la musique font de l'abstraction leur crédo, un discours sur le jazz semble devoir nécessairement prendre en compte les contextes socio-historiques dans lesquelles on joue du jazz. Le jazz se joue, se danse, s'incarne dans des gestes, des attitudes et des corps, et ce faisant, véhicule une pensée musicale que l'on ne peut pas comprendre si l'on s'en tient à une analyse musicologique. Penser le jazz comme pensée, ériger le jazz en porte d'entrée privilégiée d'une culture américaine naissante, comprendre l'encrage de la musique de jazz dans la Weltanschauung américaine sont les enjeux de cette étude qui donne en outre des pistes tant méthodologiques que généalogiques pour entreprendre une analyse des musiques populaires postérieures au jazz.

Continuer la lecture Partager

 
TEL
Serveur de "Thèses en Ligne"
et HDR
-> Lien vers TEL

Dernières thèses ou HDR recensées

The Geographical Indications (GIs) are tools for valorization of goods increasingly used worldwide. This theme is a persistent agenda of the international trade negotiations. The regulation of GIs is one of the most prominent themes in the discussions relative to the organization of the global food system, especially because it involves issues such as intellectual property rights and market access. Opposed to a process of food production and consumption homogenization, the GIs seek to prize the diversity and singularity of products embedded in particular territories, highlighting the intangible assets as know-how, tradition, customs, practices of production etc. Nevertheless, it is a generic concept that makes sense to different contexts and social actors, including those outside of territory. In each project of the geographical indication is conformed to an heterogeneous sociotechnical network, where the concepts of quality are negotiated and different values are confronted. The institutionalization of grades and standards that enable the actors to transact is the result of this negotiation process in which commitments between heteroclite values are constructed. In the wine world, the geographical indications were for a long time, a concept which was associated almost exclusively with a style of production that was based in the prize of distinctive terroirs, through of institutionalization of rarity and traditional methods of viticulture and winemaking. However, the current changes in the wine global market related with the entrance of new actors and new qualitative conventions began to change the lives of terroirs and the concept of geographical indication. The adaptation of GI's in a new context has showed how this mechanism can be molded to different purposes. In this sense has showed how this tool can be molded with an instrument of qualification, in the wine sector where manifest a double process of institutionalization. First, the IGs have incited the valorization of territories and their identities, creating in some cases barriers to innovations that may reflect risk to the product uniqueness. Second, we are witnessing a process of sectorial appropriation where they are adjusted to serve as a catalyst for organizational and technical innovations consider necessary to the producers reacting to the loss of competitiveness in national and international markets. Thus, within a context of hybridization of competitive strategies in the wine market, these projects have reconciled conceptual models once antagonistic. For this to be viable, rather than reconcile tradition and innovation, the IGs are creating new commitments (compromissos) between evaluative principles (quality definitions), which manifests itself in a sequence of changes in production practices that range from the choice of varieties of grape until the definition of the methods of winemaking. The present research involved the study of seven different IGs in Brazil (Vale dos Vinhedos, Pinto Bandeira, Monte Belo do Sul, Farroupilha, Garibaldi) and France (Beaujolais, Languedoc), where it was done through semi-structured interviews, observation and documental analysis.

Continuer la lecture Partager

L’enquête est consacrée aux transformations des pratiques du jazz en France au vingtième siècle. Elle offre aussi, par le prisme du jazz, des éclairages sociologiques sur l’évolution des loisirs culturels, plus particulièrement sur celle de la culture lettrée, sa place sociale et la pluralité de ses formes. Ces transformations sont appréhendées à travers l’étude des catégories de perception et d’évaluation du jazz qui conditionnent la fabrication collective des expériences musicales et les diverses gratifications qu’elle peut occasionner – félicité esthétique, profits de vente, capital symbolique, etc. A la croisée de la sociologie de la culture, de l’anthropologie de la performance, de la socio-économie et de l’histoire culturelles, il s’agit par là de mieux saisir l’activité, rarement étudiée, des intermédiaires culturels (programmateurs, producteurs, éditeurs, impresarios, journalistes) dans leurs rapports conjoints avec les artistes et les publics. Cette sociologie de la « production de la réception » repose sur l’hypothèse que l’ensemble des secteurs culturels est placé en situation d’incertitude collective sur la valeur des œuvres et des artistes. Le moment de la réception publique des œuvres, et les catégories de perception et d’évaluation qui le conditionnent, apparaissent dès lors comme le « lieu » névralgique où les attentes et les ressources de tous les participants à la production continuée des mondes culturels doivent se déployer, se coordonner et occasionner les diverses rétributions recherchées. On peut ainsi décrire les activités comme régulées, chacune à leur façon, par la tentative d’anticiper, d’orienter et de capter les effets de la réception via les catégories de perception et d’évaluation que prescrivent les intermédiaires. Ces catégories sont observées non seulement dans leur état dispositionnel, sous la forme de schèmes classificatoires et d’habiletés corporelles partagés (des formes d’expérience), mais aussi dans leur état objectivé, sous la forme de structures situationnelles stabilisées (des dispositifs d’appréciation). L’enquête sur les catégories (dans la lignée, toutes proportions gardées, des Durkheim, Mauss, Bourdieu et Boltanski) est ainsi articulée aux réélaborations pragmatistes de la phénoménologie de l’expérience, en centrant l’analyse sur les actions performatives des intermédiaires, appréhendées à travers leurs techniques – soit les formes d’expérience qu’ils construisent et les dispositifs d’appréciation qu’ils fabriquent pour s’assurer de la réappropriation des premières. La notion de formes d’expérience propose une conception doublement temporalisée des cadres de l’expérience selon Erving Goffman (1991) : au plan de l’historisation des catégories d’action, dont l’histoire sociale est restituée, et au plan de la processualisation de l’ordre interactionnel, qui organise des cours d’action séquencés et orientés dont les dynamiques dépassent la simple somme des actions individuelles. Cette « processualisation » de la notion s’appuie sur l’approche pragmatiste de l’action par John Dewey (1980 [1934]), qu’il appréhende comme le « tout contextuel » formé par la dynamique structurée du commerce entre les individus et leur environnement, et sur l’approche phénoménologique de l’expérience musicale par Alfred Schütz (1964), qu’il définit comme une mise en phase (mutual tuning-in) des expériences temporelles des musiciens et des auditeurs par l’intermédiaire de la structure processuelle du « flux des sons audibles ». La notion de dispositif d’appréciation définit quant à elle des arrangements matériels et organisationnels (jazz-club, salle de concert, local associatif, festival…) qui objectivent les catégories en aménageant des épreuves destinées à réguler la coordination des forces mises en jeu. Construite à partir des usages que font Luc Boltanski et Laurent Thévenot (1991) et Michel Callon et Bruno Latour (2005 [1989]) du « dispositif » foucaldien (1994 [1976], p. 101-135), elle est prolongée pour traiter des épreuves de confrontation non pas seulement entre des ordres de grandeur de nature morale comme chez les premiers, ou entre des volontés de puissance définies par les seuls statuts interactionnels comme chez les seconds, mais surtout entre des attentes et des motifs d’action appréhendés en termes de dispositions et d’enjeux en quête de sanction. Ce cadre d’analyse centré sur les conditions, les acteurs et les techniques de la performance musicale publique m’a permis d’approfondir trois séries de questions classiques en combinant diverses méthodes. Le principal matériel est constitué, pour les deux premières parties notamment, par un vaste corpus de commentaires publics du jazz (articles, ouvrages), et pour la troisième, par les séries d’observations de performances, d’analyses d’insertion participante dans des réseaux d’interconnaissance et d’entretiens semi-directifs (39) produites lors de terrains ethnographiques centrés sur les activités de deux jazz-clubs à Marseille et à Montreuil (1998-2001). D’autres méthodes sont néanmoins mobilisées en fonction des besoins de l’analyse : l’analyse quantifiée de réseaux de coopération ou d’espaces de polarisation (le champ du jazz en 1951, l’espace national des jazz-clubs en 1982 et 1997, le champ marseillais du jazz en 1988-1990, la programmation d’un jazz-club francilien de 1991 à 2001), l’analyse d’images fixes et animées de performances (autour du cake-walk dans les années 1910, et du jazz-club dans les années 1950-60), l’analyse des techniques et résultats d’analyses musicologiques sur partitions (années 1920 et années 1940), l’analyse d’archives organisationnelles (listings de membres, comptabilités, comptes rendus d’activités…). La première partie pose ainsi la question de la formation et de l’unité d’un genre artistique. Elle est abordée à travers l’analyse de la genèse d’une prise esthétique inédite et des réinvestissements dont elle est l’objet entre 1902 et 1939. La notion de prise a été traduite en outil sociologique, depuis la phénoménologie de la perception de Merleau-Ponty, par Christian Bessy et Francis Chateauraynaud (1995). Jean-Louis Fabiani (2006) propose, sous l’expression de « prise multiple », de lui faire prendre en charge la plurivocité des significations disponibles qui résulte de la rencontre entre des trajectoires d’objets et leurs contextes d’appréhension. L’un des principaux résultats consiste ainsi à mettre au jour la prise multiple du rythme (afro-)américain, qui informe l’histoire du jazz (et probablement de quelques autres pratiques) jusqu’aujourd’hui. Sa particularité consiste à doter une catégorie sonore (le rythme contrapuntique de la syncope systématisée) d’une puissance d’évocation qui articule des enjeux sociaux (le renouvellement d’un hédonisme bourgeois), sexuels (la transformation des normes de sexualité juvéniles et bourgeoises) et nationaux (la définition métonymique de la culture française à partir des productions symboliques des professionnels de la culture, autour notamment du thème de l’américanisation culturelle), en termes essentiellement raciaux (l’imagerie assignée aux « nègres », avec ses rémanences et ses transformations) – sur la notion de race, et ses articulations avec les rapports de classe et de sexe, voir : Balibar & Wallerstein (1988), Fournier & Lamont (1992), Fassin & Fassin (2006), Dorlin (2006). La formation du genre musical jazz au tournant des années 1930 fixe en quelque sorte cette prise autour de la valorisation primitiviste (« nègre ») du rythme pulsé (i.e. syncopé et « pulsionnel », voire érotique). Ceci permet notamment de résoudre les difficultés posées par les approches des genres en termes de classification ou d’institutions, tout en les intégrant à l’enquête. Un genre artistique est défini comme une configuration stabilisée d’interdépendance entre, d’une part, des classifications cognitives et matérielles (des corpus) qui délimitent un répertoire de produits, un panthéon de producteurs et un canon de règles de production, d’autre part, un ensemble d’institutions relativement indépendantes (susceptibles d’agir en fonction de catégories en partie auto-déterminées, voire de les imposer) qui utilisent et prescrivent ces classifications traduites sous formes d’habiletés, voire de compétences, et de grilles d’appréciation (instances de consécration, circuits de valorisation, corps de producteurs spécialisés), et enfin, plusieurs formes spécifiques d’expériences attachées à des dispositifs d’appréciation stabilisés, dont la fabrication et la félicité constituent l’horizon régulateur des activités qui contribuent à la production et la reproduction du genre en question. Cette extension du questionnement permet ainsi de mettre en avant des contextes explicatifs rarement mobilisés pour rendre compte de l’invention et de la transformation des pratiques culturelles. Il s’agit notamment de donner toute leur place explicative aux spécificités du cadre spectatoriel music-hall tel qu’il apparaît à la fin du 19e siècle, et aux modes d’appropriation des technologies discographiques à partir des années 1920 tels qu’étudiés par Sophie Maisonneuve (2003). Cette approche conduit alors à reconsidérer les périodisations pertinentes. L’enquête ne débute pas avec l’apparition du terme jazz (aux alentours de 1917), cette approche nominaliste extrême tendant à réduire l’historicité à la succession de vocables d’époque, et à s’interdire ainsi de repérer quels sont les vocables performatifs, appuyés sur des institutions et des pratiques consistantes. Elle ne débute pas non plus avec la stabilisation d’un code sonore, option musicologique qui prête le flanc à l’anachronisme dès lors que ne sont pas interrogées les relations réellement entretenues par les agents avec les conventions musicales. L’enquête ne débute pas enfin avec la création de la première association de programmation spécialisée (le Hot Club de France) en 1932 : si celle-ci marque bien une rupture décisive, on ne la comprend pas sans restituer l’ensemble des pratiques sédimentées qui la rendent possible et qui donnent toute sa puissance d’évocation au genre musical dont elle se fait la spécialiste. Il s’agit donc de remonter à la commercialisation de la danse cake-walk en 1902, soit au moment où la prise multiple du rythme (afro-)américain est inventée. Ce moment cake-walk (1902) est d’abord situé par rapport à l’émergence du secteur des spectacles de variétés et du music-hall, et ainsi contextualisé au sein de trois séries qu’il vient entrecroiser : l’accès du marché étasunien des musiques populaires au leadership du marché international, l’intégration du music-hall et de la danse sociale au sein d’un même circuit de valorisation (le cake-walk étant simultanément une danse de bal et une danse de scène), et les transformations des imageries coloniales attachées aux « nègres ». L’élaboration de la prise du rythme (afro-)américain réalisée pour commercialiser le cake-walk est ensuite décrite comme la cristallisation d’enjeux raciaux, sexuels et sociaux autour du rythme « syncopé » et de la gestuelle « fantaisiste ». Le moment jazz band (1917) est quant à lui situé par rapport à la structure d’opportunités instaurée par la guerre, et particulièrement par la présence des troupes coloniales et surtout étasuniennes sur le sol métropolitain – soit le renouvellement des imageries ethno-raciales, et l’apparition d’un nouveau créneau marchand, les « attractions américaines ». L’utilisation démultipliée du jazz-band, format orchestral, conduit alors au réinvestissement de la prise du rythme (afro-)américain : elle est mobilisée pour définir un nouveau format de music-hall, la revue à grand spectacle, et constituée comme un marqueur moderniste par les avant-gardes (autour du format du ballet d’avant-garde et du primitivisme lettré) et par les fractions sociales aisées qui redéfinissent leurs contours autour de l’usage des loisirs publics (avec notamment le dancing et le spectacle). Les analyses et controverses savantes qui s’ensuivent contribuent à fixer un canon musical autour du jazz-band, tandis qu’au music-hall, ce dernier se voit différencié, selon une logique d’authenticité raciale, en un jazz nègre et un jazz blanc. Ceci signe une esthétisation du jazz-band, puisqu’il monte sur scène pour faire le spectacle et plus seulement l’accompagner, et ouvre alors un espace de spécialisation professionnelle aux musiciens de bal et de spectacle les mieux dotés. Avec le moment jazz hot (1928), la prise du rythme (afro-)américain est réinvestie à travers la pratique discophile et l’apparition d’une critique spécialisée, qui définissent peu à peu des positions de « passeurs » : grâce à la technologique discographique et à la distance temporelle et géographique qu’elle permet entre la prestation musicienne et l’écoute, il s’agit désormais de puiser à une source d’autant plus authentique qu’elle est lointaine – et de contrôler cette source. C’est en s’alliant puis en s’opposant aux musiciens de jazz-band spécialisés dans le « chorus hot » (soit des statuts valorisés de solistes improvisateurs virtuoses) que certains de ces « passeurs », jeunes lettrés en ascension ou déclassés, en viennent à constituer un genre musical. Les classifications et les institutions spécifiques qu’ils élaborent à partir de leur amateurisme discophile servent en effet dans un premier temps le positionnement des musiciens spécialisés au sommet du marché des variétés. Mais rapidement, il apparaît que la hiérarchie ethno-raciale promue par ces nouveaux intermédiaires esthètes situe les musiciens français et blancs loin derrière les musiciens étasuniens et noirs. Elle valorise qui plus est une forme d’expérience « artistique » peu adaptée au marché des bals et des spectacles d’où les musiciens professionnels tirent l’essentiel de leurs revenus. C’est ainsi seulement durant la Deuxième guerre mondiale que ces derniers renoueront avec le réseau institutionnel construit peu à peu par les intermédiaires du jazz hot : le Hot Club de France (1932) et sa fédération des « hot clubs » provinciaux, la revue Jazz Hot créée (1935), l’orchestre vedette du HCF avec Django Reinhardt et Stéphane Grapelly (1934), le label discographique Swing (1936), un local de répétition et d’écoute de disques (1939). La deuxième partie prolonge ce questionnement sur la stabilisation des pratiques en interrogeant la formation, à partir du genre musical « jazz », d’un champ social spécifique. Il s’agit ici de reconsidérer l’analyse en termes de « magie sociale » des homologies structurales, car elle tend à faire l’impasse sur l’ensemble des médiations processuelles qui coproduisent des corpus d’œuvres, des institutions et des publics ajustés les uns aux autres (Hennion 2003). L’enquête désynchronise ainsi les trois processus recouverts par la notion d’autonomisation (la spécialisation des producteurs, la formation d’un marché spécifique et l’autonomisation des instances de consécration) en y ajoutant deux autres rarement traités d’un même tenant : la captation et la disqualification des amateurs par l’élaboration de formes d’expérience musiciennes (autour du style bebop dans les années 1950) puis formalistes (autour du style free jazz dans les années 1960-1970), et la domestication des audiences avec l’invention des dispositifs jazz-club, concert de jazz puis jazz action. Le renouvellement du marché des variétés est ainsi impulsé durant l’Occupation par l’industrie discographique, à travers la vogue « juvénile » des chansons et des orchestres « swing » que parvient à capter en partie le HCF : il devient l’un des principaux impresarios, tourneurs, producteurs, promoteurs des musiciens spécialisés, et s’allie une nouvelle génération musicienne grâce au succès des tournois d’orchestres amateurs. A la Libération, l’élaboration et la prescription d’une forme musicienne d’expérience (le jazz comme « langage musical ») s’appuient conjointement sur la réception du style bebop, présenté comme savant, et sur la médiatisation des « caves de Saint-Germain-des-Prés » (i.e. des sociabilités d’écuries éditoriales). Les concurrences qui s’ensuivent entraînent la différenciation de deux pôles, l’un « traditionnel » et l’autre « moderne », qui marque la stabilisation du champ du jazz avec l’invention des dispositifs jazz-club et concert de jazz, soit la domestication des audiences. Au tournant des années 1960, les entrants sur le marché des musiciens et des journalistes sont soumis à une double contrainte : outsiders vis-à-vis de leurs aînés établis, et pris comme ces derniers entre l’investissement soudain du marché français par les agents dominants du marché étasunien (qui se traduit par la commercialisation simultanée de trois nouveaux styles : hard bop, jazz modal et free jazz), et la fuite des principaux intermédiaires vers le marché en expansion des variétés juvéniles (rock et yéyé). L’élaboration et la politisation d’une forme formaliste d’expérience, appuyée sur l’offre théorique « structuraliste » et sur le modèle de singularité artistique des arts contemporains, ouvre alors une voie de contournement, avec la construction d’une avant-garde légitime puis son insertion dans les réseaux décentralisés d’action culturelle mis en place dans le sillage de la crise socio-politique de 1968. La définition du dispositif jazz action et de la catégorie des musiques improvisées européennes permet, en liant l’avant-garde aux prémisses de l’économie culturelle subventionnée, la création d’un marché alternatif à la concentration parisienne des positions établies ainsi qu’à la domination du marché étasunien. L’enquête permet ainsi la formulation de réponses plus précises aux deux questions sociologiques qui organisent l’analyse. D’une part, la constitution du genre puis du champ du jazz est située dans un contexte international, c’est-à-dire en rapport avec la domination relative du marché étasunien. De ce point de vue, l’analogie avec la littérature permet de faire l’hypothèse que le champ français du jazz peut être décrit comme un champ périphérique qui s’autonomise en s’appuyant sur le pôle « puriste » du champ central (étasunien) – c’est l’analyse proposée par Pascale Casanova (1999) à propos de la littérature. Mais le jazz étant défini comme un genre à la fois américain et instrumental (et non chansonnier), ses agents ne peuvent pas s’appuyer sur la barrière linguistique pour étendre leur contrôle sur les flux d’importation des œuvres et des musiciens. Ce facteur est notamment décisif pour comprendre les modalités très différentes de la réception du bebop puis du free jazz. En effet, si l’absence de barrière linguistique empêche les intermédiaires de capter les flux d’importations pour s’en faire les passages obligés (les traducteurs), ils sont exposés directement aux aléas des stratégies des exportateurs étasuniens (ils ne peuvent prétendre qu’au statut de « passeurs »). Dès lors, leur position dépend presque exclusivement de l’intérêt que les exportateurs dominants portent au marché français, et qui se traduit essentiellement en termes de temporalité. Lorsque ces derniers sont en retrait, les intermédiaires français ont le temps de capter les produits exportés par des agents dominés du marché étasunien (en l’occurrence, le bebop), et ainsi de construire des positions internationalement dominées, mais nationalement dominantes – soit de former un champ spécifique. A l’inverse, lorsque l’offre du marché étasunien est exportée massivement et directement sur le marché français, ces positions établies se voient court-circuitées et dévaluées – et contraignent les entrants sur le marché à des stratégies de contournement, soit en l’occurrence à la constitution du free jazz en avant-garde politisée. D’autre part, le champ du jazz est aussi situé dans le champ musical (français). A cet égard, la définition habituelle du jazz comme un « art moyen », comme le seraient la photographie (Bourdieu et al 1970) ou la bande dessinée (Boltanski 1975), ne permet pas de tenir compte du fait qu’il est d’emblée appréhendé, en France, comme une forme d’expérience lettrée. Son illégitimité relative vis-à-vis des musiques académiques, et sa démarcation continuée d’avec les musiques populaires l’apparentent plus spécifiquement à une « culture libre » (définie par opposition à la culture scolaire). Cette hypothèse conduit alors à revenir sur la question de l’évolution et de la pluralité de la culture lettrée. Emmanuel Pedler (2003) rappelle en effet que le goût pour les arts savants est très minoritaire au sein de la bourgeoisie, y compris culturelle, même s’ils y sont un peu plus fréquentés que dans les autres classes sociales. On peut se demander en effet si son histoire n’est pas structurée par l’opposition entre deux éthiques de loisir, ascétique et hédoniste (Weber 1975), continûment réinvesties et spécifiées en fonction des ressources que leurs promoteurs respectifs parviennent à mobiliser – et si la domination relative de l’ascétisme pourrait n’avoir été qu’une sorte de parenthèse historique. Du fait de l’ambiguïté de sa place culturelle, le jazz constitue de ce point de vue une sorte de plaque sensible. Qui plus est, en répondant à ces questions, quelques éléments d’explication sur la genèse d’un décalage structural rémanent sont livrés. En effet, les intermédiaires qui produisent l’autonomie du champ du jazz, dans les années 1950, en rapport essentiellement avec les musiques académiques (reprenant leur forme savante et musicienne, et leur opposant l’hédonisme du rythme pulsé) finissent par fuir le jazz au tournant des années 1960 pour investir le secteur des variétés. De leur côté, les jazzmen qui s’appuient sur les formes d’expérience prescrites par les précédents pour définir des statuts d’artistes trouvent l’essentiel de leurs emplois dans les studios, les spectacles et les galas de variétés. Il faut ainsi mettre cette structuration du champ du jazz en lien avec le statut singulier du genre dans les reconfigurations récentes de la culture lettrée et du marché musical. D’un côté, Philippe Coulangeon a souligné comment le jazz joue un rôle-pivot dans la « montée de l’éclectisme cultivé », servant simultanément d’alternative « moderne » vis-à-vis de la banalisation de la musique classique et de la marginalisation de la musique contemporaine, et d’élévation culturelle vis-à-vis du rock ou d’autres genres populaires (Coulangeon 2003, 2004 ; Peterson & Simkus 1992 ; Peterson & Kern 1996). De l’autre côté, les jazzmen constituent une sorte d’élite du marché des musiques non académiques. Dans cet espace où les classifications génériques imposées par les intermédiaires sont loin d’être étanches, ce sont en effet les musiciens qui se définissent comme jazzmen qui sont en réalité les plus polyvalents. Cette situation contemporaine remonte de fait aux années 1920, et l’enquête en propose ainsi la généalogie : les formes d’expériences prescrites et les dispositifs d’appréciation stabilisés par les intermédiaires ont produit et renouvelé cette place à la fois marché marginale et cardinale du jazz au sein de la culture lettrée et du champ musical. Avec la troisième partie, la question des échelles de l’expérience est traitée de façon plus directe, en exploitant les possibilités de l’analyse ethnographique – puisqu’il s’agit cette fois de pratiques contemporaines de l’enquête – pour associer approche historique, ressources quantitatives et microanalyses. L’enjeu est de se garder de décrire cette « traduction d’échelles » sur le modèle de contextes emboîtés (chaque niveau définissant un cadre ou une simple interface pour le niveau « plus petit »), mais bien de montrer que les différents enjeux mis au jour, y compris les plus macrosociologiques, sont acheminés et font sens au sein même des formes d’expérience à l’œuvre lors des interactions spécifiques à chaque jazz-club étudié. Cette partie s’ouvre sur l’analyse d’une nouvelle structure d’opportunités apparue au tournant des années 1980. La mise en place d’une politique du jazz à partir de 1982 s’appuie ainsi essentiellement sur les réseaux de musiciens et d’intermédiaires constitués autour des musiques improvisées dans la décennie précédente. Elle a pour effets principaux de consacrer cette avant-garde en l’intégrant au secteur du marché subventionné, et d’insérer le jazz au sein des institutions pédagogiques savantes, ouvrant aux musiciens les revenus d’appoint de l’enseignement et favorisant les compétences musiciennes élaborées par la pratique des partitions (souci de la construction formelle et de la complexité harmonique, essentiellement). Au même moment, l’internationalisation et la concentration des industries musicales, accélérées par la mise sur le marché des techniques numériques (disque compact), engage des stratégies de réédition massive des fonds de catalogues : les musiciens vivants sont alors soumis à une sorte de concurrence inégale qui voit 90 % des productions discographiques réservées aux musiciens du passé. Le processus conséquent de segmentation du champ entre un « circuit marchand des jazz-clubs » et un « circuit subventionné des concerts et festivals » s’accompagne ainsi de l’imposition de formes patrimoniale et créative d’expérience du jazz. L’élaboration et la prescription de la forme patrimoniale d’expérience du jazz, ainsi que la réinvention du jazz-club, sont interprétées comme des façons de reprendre pied sur le marché pour les laissés-pour-compte de la consécration étatique et de la redistribution du panthéon discographique. Il s’agit alors de montrer comment ces processus macrosociologiques sont retraduits dans l’espace marseillais du jazz, soit la façon dont l’invention d’une tradition locale, au tournant des années 1990, repose conjointement sur la mémoire d’un « âge d’or » situé dans les années 1950, et sur la possibilité qu’ouvrent les transformations de la configuration locale pour remobiliser les réseaux d’interconnaissance professionnelle qui en sont issus. Ces résultats sont enfin exploités pour faire sens des interactions observées dans un jazz-club marseillais, le Pelle-Mêle, et décrire la fabrication « au second degré » d’expériences du jazz : la forme patrimoniale d’expérience définit le jazz comme un stock de procédés d’improvisation inventés par les maîtres du jazz des années 1940 à 1960, et réutilisés par les musiciens actuels ; il s’agit d’écouter conjointement l’œuvre en train de se faire et l’hommage qu’elle rend au génie des anciens. Le même type d’articulation d’échelles est proposé pour analyser l’invention d’une « scène musicale » inédite, celle des musiques improvisées radicalisées, autour du jazz-club montreuillois Instants Chavirés. Ses stratégies de programmation, ancrées quant à eux dans les circuits de l’économie subventionnée, le conduisent en effet de l’investissement de l’avant-garde consacrée à la construction d’une « jeune avant-garde », qui définit l’improvisation non plus comme un critère de définition du jazz, mais comme une technique musicienne vouée à la subversion des catégories génériques. La forme d’expérience élaborée est alors centrée sur la coordination sur le vif d’individualités esthétiques, dont les styles sont puisés tout autant dans les procédés du jazz que dans ceux de la musique contemporaine, du rock alternatif ou des musiques électroniques. Ce processus est rapporté en partie à la mise en place d’une politique publique des « petits lieux » dédiée aux « musiques actuelles », soit une sorte de certification catégoriale de l’éclectisme cultivé des jeunes générations scolarisées. L’enquête s’achève enfin sur la description des activités d’une association issue de cette « scène », consacrée à l’expérimentation avant-gardiste de l’expérience de l’improvisation, et montre comment les enjeux professionnels investis par les participants, définis par rapport à leurs trajectoires et à leurs positions dans le champ, sont mis à l’épreuve des effets incertains des déroulements d’interactions. Cette notion d’épreuve permet en effet de décrire précisément comment s’imbriquent, dans l’enchaînement des situations, les facteurs structuraux et la logique propre de l’ordre interactionnel. Balibar Étienne, Wallerstein Immanuel, 1988, Race, nation, classe. Les identités ambiguës, Paris, La Découverte. Bessy Christian, Chateauraynaud Francis (dir.), 1995, Experts et faussaires. Pour une sociologie de la perception, Paris, Métailié. Boltanski Luc, 1975, « La constitution du champ de la bande dessinée », Actes de la Recherche en Sciences Sociales, n°1, p. 37-59. Boltanski Luc, Thévenot Laurent, 1991, De la justification. Les économies de la grandeur, Paris, Gallimard. Bourdieu Pierre, Boltanski Luc, Chamboredon Jean-Claude, Castel Robert, 1970, Un art moyen. Essai sur les usages sociaux de la photographie, Paris, Minuit. Casanova Pascale, 1999, La République mondiale des lettres, Paris, Seuil. Coulangeon Philippe, 2003, « La stratification sociale des goûts musicaux. Le modèle de la légitimité culturelle en question », Revue Française de Sociologie, vol. 44, n°1, p. 3-33. Coulangeon Philippe, 2004, « Classes sociales, pratiques culturelles et styles de vie. Le modèle de la distinction est-il (vraiment) obsolète ? », Sociologie et Sociétés, vol. 36, n°1, p. 59-85. Dewey John, 1980 [1934], Art as Experience, New York, Perigee Books. Dorlin Elsa, 2006, La matrice de la race. Généalogie sexuelle et coloniale de la nation française, Paris, La Découverte, coll. « Genre & sexualité ». Fabiani Jean-Louis, 2006, Beautés du Sud. La Provence à l’épreuve des jugements de goût, Paris, L’Harmattan, coll. « Anthropologie du monde occidental ». Fassin Didier, Fassin Eric, 2006, De la question sociale à la question raciale ? Représenter la société française, Paris, La Découverte. Foucault Michel, 1994 [1976], Histoire de la sexualité. I : La volonté de savoir, Paris, Gallimard, coll. « Tel », notamment p. 101-135. Fournier Marcel, Lamont Michele (eds.), 1992, Cultivating[...]

Continuer la lecture Partager

La population européenne est par excellence urbaine. Les européens ont clairement affiche leur volonté pour l'amélioration de la qualité de la vie urbaine. Quand les autres sources de pollution sont maîtrisées, les eaux pluviales deviennent la source principale de pollution en zone urbaine. Parallèlement les inondations dues au ruissellement deviennent de plus en plus importantes en raison de l'imperméabilisation de la surface des bassins versants urbanises. Les techniques alternatives peuvent aider à résoudre plusieurs problèmes (qualité des milieux récepteurs, qualité de vie, ressources en eau, inondations urbaines) mais elles nécessitent le changement du paradigme technique "hygiénistique" pour établir un nouveau paradigme de "gestion à la source". Ceci entraîne plusieurs changements d'ordre organisationnel. L'assainissement des eaux pluviales redevient une affaire "publique" et les ouvrages visibles. La mise en œuvre de techniques alternatives dépendent de bien d'autres facteurs que les facteurs techniques. Notre étude a eu pour objectif d'analyser et de comparer la gestion de l'eau pluviale et surtout l'application des techniques alternatives dans sept pays européens (Suède, Danemark, Pays-Bas, Allemagne, France, Royaume-Uni, Grèce), sur les plans contextuel (liens avec d'autres secteurs techniques et politiques) et organisationnel et dans la mise en place des politiques publiques. Le pays choisis partagent une histoire technique et ont un patrimoine urbain semblable. Ils sont tous membres de l'union européenne dont la volonté politique est l'harmonisation, technique et organisationnelle, de la gestion de l'eau. La recherche a conduit a préciser les facteurs déterminants pour la mise en œuvre des techniques alternatives et a proposer des actions pour la promotion des techniques alternatives en Europe.

Continuer la lecture Partager

Le temps de la décroissance de l'activité radioactive de certains radionucléides contenus dans les déchets nucléaires, en dessous d'un seuil considéré comme acceptable, se compte parfois jusqu'en centaines de milliers d'années. Comment les salarié.es de l'Agence Nationale pour la gestion des Déchets Radioactifs (Andra) montrent la sûreté d'un dépôt géologique de ces déchets sur de telles temporalités ? C'est à cette question qu'entreprend de répondre cette thèse, à partir d'une étude des archives de cette agence et d'observation menées au sein de celle-ci.Cette thèse est d'abord une histoire sociale des pratiques savantes mobilisées, depuis les années 1980 jusqu'à 2013, pour étudier l'évolution d'un stockage (géologie, étude des matériaux, simulation numérique...) Elle analyse également le rôle de la recherche dans le gouvernement de l'aval du cycle nucléaire depuis la loi de 1991 qui, en France, encadre la gestion des déchets nucléaires.Bien que l'évacuation géologique soit la seule solution de gestion envisagée pour les déchets radioactifs, la dissociation entre les recherches menées dans le laboratoire souterrain de Bure et leur finalité a permis à l'Andra de s'implanter localement. Cependant, l'Andra se heurte à l'impossibilité épistémique d'appréhender exhaustivement l'évolution d'un stockage sur des centaines de milliers d'années. Désormais, les recherches accompagnent l'implantation du stockage, transformant sans cesse la compréhension de son comportement. Alors que la démonstration publique de la sûreté d'un stockage devient une condition d'acceptation d'un tel ouvrage, l'Andra abandonne peu à peu la prétention à produire une preuve formelle sur le modèle d'une démonstration mathématique : à partir des années 2000, la sûreté repose sur un « faisceau d'arguments » apportant la garantie d'une certaine maîtrise de l'évolution du stockage. Enfin, cette thèse montre au prix de quelles hypothèses la gestion des déchets nucléaires a été promue, durant les années 2000, comme un exemple parfait de démocratie technique.

Continuer la lecture Partager

This thesis explores the recent evolutions of photovoltaics in France, and in particular the rise of grid-connected photovoltaics as it was triggered by support policies set up in the 2000s. The chosen actor-network theory approach leads to a material and relational descrption of French photovoltaics as modular technologies whose development was driven by political prices in the shape of feed-in tariffs for PV-generated electricity. From this perspective, the intertwinement of technological evolutions, market-making and politicisation is interrogated. After suggesting a description of photovoltaics as emergent and modular technologies and of feed-in tariffs as political market agencements, the thesis analyses the interwoven trajectories of feed-in tariffs and phootvoltaics in three sites. First, it traces back the constitution of feed-in tariffs as a dominant form of support for photovoltaics in the context of the development of a European policy for renewable energy. It then zooms on the French case, in which the overflowing of the regulated photovoltaic market triggered a political crisis and led to the reconsideration of photovoltaic support schemes. The last case study is a material account of the constitution of feed-in tariffs for PV-generated electricity into an opportunity and a resource for territorial development in the context of a project developed by a rural cooperative in the South West of France.

Continuer la lecture Partager

Dispositif central de l’astronomie, le télescope est aussi l’un des tout premiers instruments scientifiques. Nous proposons d’en livrer une analyse novatrice basée sur la mécanologie génétique. Cette méthode d’analyse des structures et des évolutions des objets techniques est notamment inspirée des travaux de Jacques Lafitte et de Gilbert Simondon. Il s’agit en particulier de repérer l’apparition de nouveaux schèmes techniques et de les rattacher à la lignée technique à laquelle ils appartiennent. Dans ce contexte, nous développons un certain nombre de concepts et d’outils afin d’extraire, de formaliser et d’enrichir les connaissances portant sur les inventions apparues au cours du processus de concrétisation des lignées techniques de télescopes. Les informations recueillies ne sont pas de simples données archivées : leur formalisation à l’aide de diagrammes en fait des connaissances technologiques, qui éclairent le fonctionnement de l’instrument et permettent d’en retracer la généalogie. En analysant les processus de conception, ainsi que la compétition entre les différentes lignées de télescopes, nous parvenons ainsi à une meilleure compréhension des logiques d’évolution technique qui sous-tendent le développement de ces instruments, et à la formulation de tendances techniques très générales. Elles se doublent, dans le cas des télescopes, de logiques évolutives plus spécifiques, résultant d’impératifs performatifs externes et de nécessités techniques internes. L’explicitation de ces logiques, ainsi que des processus émergents auxquels elles donnent naissance, permet de comprendre les dynamiques sur le temps long et d’anticiper les difficultés pour les missions futures. Ainsi, notre démarche ne se veut ni normative, ni positive : par une dialectique constante entre la formulation de nos « lois d’évolution » et les données historiques, nous entendons dégager avec une certaine objectivité des régularités au sein de l’évolution des télescopes, dans une perspective historique qui se veut à la fois rétrospective mais aussi prospective.

Continuer la lecture Partager

Dans cette thèse nous montrons l'écart entre le discours de société, formulé par une stratégie nationale de culture scientifique, et l'existant dans les associations ou centres de culture scientifique. Le premier prône la démocratisation de la démarche scientifique alors qu'elle est concrètement absente dans ces institutions de diffusion. Notre étude écologique montre en effet que les ressources proposées dans ces institutions n'ont pas le potentiel mathématique, pour des raisons épistémologiques et didactiques, à faire entrer le public dans l'activité mathématique. À partir de ce constat, nous développons deux modèles didactiques. L'un permet de concevoir (et d'évaluer) des ingénieries didactiques de la pratique mathématique donnant des conditions d'abord épistémologiques, ensuite didactiques et enfin ergonomiques. L'autre propose une méthode de traitement et d'analyse de données audiovisuelles permettant de repérer les traces d'activité mathématique d'individus placés en résolution de problème. À cette occasion, nous avons développé des ingénieries didactiques selon ce premier modèle, s'appuyant sur l'étude épistémologique et didactique d'un problème de recherche, en mathématiques discrètes, le problème de pavage de Wang. Cette étude a permis d'élaborer plusieurs situations didactiques qui ont été ensuite proposées lors d'expérimentations dans des conditions cliniques proches du réel : individus volontaires, institutions de culture scientifique, autonomie et responsabilité scientifique des individus, absence de médiateur, temps alloué suffisant... Les résultats de notre étude, s'appuyant sur notre second modèle, montrent l'existence de traces d'activité mathématique d'individus permettant d'inférer qu'une telle pratique est possible dans ces conditions. Ainsi, ces résultats confortent le fait que nos ingénieries proposent des conditions enclines à combler la carence constatée dans certains espaces de médiation, tout en étant en adéquation avec le discours de la noosphère. Enfin, notre modèle de traitement et d'analyse semble offrir des perspectives intéressantes dans le domaine de l'intelligence artificielle, car cela permettrait un recueil de données important pour un nombre conséquent d'utilisateurs et sur une durée potentiellement élevée.

Continuer la lecture Partager

Dans cette thèse, j’interroge la notion d’« humeur dépressive », en tant que symptômehistoriquement central et distinctif de la dépression. Originellement vue comme un troubleaffectif, la dépression fait aussi aujourd’hui l’objet de modèles comportementaux ou cognitifs.De plus, comme nous manquons d’une conception consensuelle de ce que sont les troublespsychiatriques, une conception de ce qui rend un épisode dépressif « pathologique » faitdéfaut, au-delà de ses critères cliniques. La dépression est-elle bien un trouble affectif, untrouble de l’humeur ? Si oui, qu’est-ce qui la différencie d’une humeur dépressive nonproblématique ? L’objectif est d’améliorer notre compréhension de ce trouble psychiatriquegrâce à un apport en philosophie. Je mène un travail d’histoire conceptuelle, et d’analyseconceptuelle en philosophie des états affectifs et philosophie de la psychiatrie, sur la notiond’« humeur dépressive », pour caractériser le versant affectif de l’état dépressif, déterminer lamanière dont il s’articule aux autres versants de l’état dépressif, et en quel sens ce dernier peutêtre « pathologique ». Je retrace une histoire conceptuelle de la caractérisation clinique duversant affectif des états dépressifs dans la psychiatrie française, depuis l’aliénisme jusqu’à lapsychiatrie contemporaine, qui montre notamment que ce versant affectif ne se réduit pas à latristesse. Je formule ensuite une théorie fonctionnaliste de l’humeur dépressive en philosophiedes états affectifs, en termes de « croyances dépressives actives », dans laquelle cette humeurse définit comme un état affectif qui a pour effet distinctif sur les états mentaux de recruter etd’amener des croyances dépressives à se manifester. Ce sont des croyances pessimistes,défaitistes et auto-dévalorisantes quant à la possibilité d’atteindre une situation de satisfactionde ses aspirations. Enfin, je défends une théorie cognitive de la dépression en termes de« croyances dépressives auto-réalisatrices ». Ces croyances sont rendues particulièrementpréjudiciables par une modulation de leur rôle fonctionnel par une humeur dépressivepersistante. Le préjudice consiste dans ce que l’état dépressif global induit conjointement parcette humeur et ces croyances dépressives entraîne une incapacité à mobiliser certainescapacités psychologiques nécessaires pour chercher à satisfaire ses aspirations : je le formuledans les termes d’une incapacité de second-ordre à atteindre un bien-être minimal, adaptantainsi à la dépression la conception du « pathologique » élaborée par Nordenfelt (2000) enphilosophie de la psychiatrie. Cette incapacité correspond à une autoréalisation des croyancesdépressives, sous la contrainte de l’humeur dépressive.

Continuer la lecture Partager

In La Géométrie, Descartes proposed a “balance” between geometric constructions and symbolic manipulation with the introduction of suitable ideal machines. In particular, Cartesian tools were polynomial algebra (analysis) and a class of diagrammatic constructions (synthesis). This setting provided a classification of curves, according to which only the algebraic ones were considered “purely geometrical.” This limit was overcome with a general method by Newton and Leibniz introducing the infinity in the analytical part, whereas the synthetic perspective gradually lost importance with respect to the analytical one—geometry became a mean of visualization, no longer of construction. Descartes’s foundational approach (analysis without infinitary objects and synthesis with diagrammatic constructions) has, however, been extended beyond algebraic limits, albeit in two different periods. In the late 17th century, the synthetic aspect was extended by “tractional motion” (construction of transcendental curves with idealized machines). In the first half of the 20th century, the analytical part was extended by “differential algebra,” now a branch of computer algebra. This thesis seeks to prove that it is possible to obtain a new balance between these synthetic and analytical extensions of Cartesian tools for a class of transcendental problems. In other words, there is a possibility of a new convergence of machines, algebra, and geometry that gives scope for a foundation of (a part of) infinitesimal calculus without the conceptual need of infinity. The peculiarity of this work lies in the attention to the constructive role of geometry as idealization of machines for foundational purposes. This approach, after the “de-geometrization” of mathematics, is far removed from the mainstream discussions of mathematics, especially regarding foundations. However, though forgotten these days, the problem of defining appropriate canons of construction was very important in the early modern era, and had a lot of influence on the definition of mathematical objects and methods. According to the definition of Bos [2001], these are “exactness problems” for geometry. Such problems about exactness involve philosophical and psychological interpretations, which is why they are usually considered external to mathematics. However, even though lacking any final answer, I propose in conclusion a very primitive algorithmic approach to such problems, which I hope to explore further in future research. From a cognitive perspective, this approach to calculus does not require infinity and, thanks to idealized machines, can be set with suitable “grounding metaphors” (according to the terminology of Lakoff and Núñez [2000]). This concreteness can have useful fallouts for math education, thanks to the use of both physical and digital artifacts (this part will be treated only marginally).

Continuer la lecture Partager

Comment caractériser le vivant dans le cadre scientifique tel qu'il se pratique et partant, identifier les contraintes et limites épistémiques qui rendent si délicate la théorisation d'un système matériel doté des propriétés que nous qualifions de vitales? Pour y répondre nous nous proposons de mener une enquête au coeur des propositions dedéfinitions de la vie, de leur inscription dans les thématiques qui courent tout au long de l'histoire de la pensée philosophique et scientifique. Elle introduira une analyse détaillée d'approches centrées sur des modèles théoriques du vivant, représentation globale de ces systèmes matériels originaux.

Continuer la lecture Partager